3.1 - Etudier les potentialités du site

Ce que nous dénommons le potentiel du site peut aussi s'appeler la valeur patrimoniale du site.

mise à jour: 01/01/1992


C'est en croisant ces deux niveaux que l'on pourra définir ultérieurement la thématique du site. Les ressources du site ne peuvent s'évaluer qu'à la lumière des connaissances le concernant.

3.1.1 Analyse des connaissances relatives au site

3.1.2 Analyser les ressources du terrain

Il convient de se doter au préalable d'une grille de sujets. Elle servira à la fois de "pense-bête", pour éviter les oublis et de système de classement des informations qui seront réunis.
La liste des sujets peut être variable d'un site à l'autre, en fonction de leur particularité.

A titre simplement indicatif, voici des rubriques qui peuvent servir dans une majorité de cas :

Sciences naturelles : - Géologie - Hydrogéologie
- Géomorphologie
- Flore - Faune - Ecologie
Histoire : - Archéologie - occupation humaine au temps préhistorique et antique
Paysage rural et vie économique : - Exploitation agricole du sol hier et aujourd'hui
- autres modes d'exploitation - forêts - pêche - industrie mines, etc ...
Culture : Architecture
Contes et légendes / références littéraires
Traditions et coutumes

 

3.1.1 Analyse des connaissances relatives au site

Pour l'étude des plans d'interprétation on procède à une recherche du deuxième degré, c'est à dire à partir d'études publiées, de livres ou d'interview de spécialistes. C'est évidemment plus facile si un groupe de travail pluridisciplinaire peut-être réuni.

Dans certains cas, il peut être fructueux de la compléter ultérieurement par une recherche du premier degré (c'est à dire effectuée à partir d'archives et de témoignages pour les sciences humaines ; de travaux sur le terrain ou en laboratoire pour les sciences naturelles).

Dans cette recherche du deuxième degré il convient de "balayer large".


AU PLAN GÉOGRAPHIQUE

Bien des caractères du site ne peuvent se comprendre qu'en se référant à un cadre géographique plus large.

Dans le cas de la Petite Camargue Alsacienne il fallait étudier l'histoire du Rhin et de ses aménagements successifs, pour pouvoir comprendre l'identité et les problèmes actuels du site.

Le cadre de référence peut être plus ou moins vaste. Le niveau régional est souvent pertinent, mais, le concept de "région" en France est à géométrie variable.

La "région naturelle" a été définie par les géographes français de la fin du XIXe siècle comme un territoire offrant un ensemble de caractéristiques paysagères homogènes, sans variations extrêmes.

Les régions naturelles sont parfois évidentes à appréhender (par exemple "les Causses" ou "les landes") malgré d'importantes variations locales. Mais c'est loin d'être toujours le cas.

Il y a aussi les réglons historiques (les anciennes provinces ou partie de ces provinces).

Or elles coïncident rarement avec les régions naturelles.

Souvent, enfin, la référence au "Pays" s'impose aussi. L'identité de ces micro-régions, typiquement françaises, repose sur un mélange subtil de facteurs naturels et historiques, économiques et culturels qui se reflètent encore dans les paysages et dans l'architecture vernaculaire.

Le cadre régional à prendre en compte pour comprendre la signification du site doit donc être défini au cas par cas. C'est affaire de discernement et de bon sens.

AU PLAN THÉMATIQUE

Pour mettre correctement "en perspective" certains aspects d'un site, il convient fréquemment d'élargir la recherche à un périmètre beaucoup plus large que la région.

Pour pouvoir évaluer la signification de l'ancienne pisciculture de Huningue, une vue d'ensemble sur l'histoire de la biologie et de l'action de l'homme sur la matière vivante était indispensable.

Synthèse, mise en forme et validation des résultats de la recherche

Pour chacun des "sujets" une note de synthèse brève (1 à 4 pages) avec les références bibliographiques, sera utilement rédigée.

Ces notes constitueront le dossier de référence pour ceux qui auront, ultérieurement, à modifier ou à développer le programme d'interprétation.

De plus, elles pourront être présentées à un spécialiste pour validation.

Ceci est tout à fait nécessaire lorsque la fiabilité de la documentation utilisée n'est pas assurée, (ce qui est souvent le cas, en particulier pour les monographies locales).

L'expérience montre qu'il n'est pas toujours facile d'obtenir d'un spécialiste une note de synthèse explicite signée de lui ; il est plus aisé de recueillir son avis sur une note rédigée par un non spécialiste.

3.1.2 Analyser les ressources du terrain

Le mot "ressources" est utilisé dans le sens défini en 1.1.
Il s'agit des constituants matériels du site qui peuvent présenter un intérêt pour son interprétation auprès des visiteurs.
Elles se rapportent à l'un ou éventuellement à plusieurs sujets de la grille d'étude.
Il est hors de question de dresser une "check-list" des ressources potentielles. Il est également tout à fait impossible de fixer des normes concernant l'échelle ou la taille des ressources. Une grande roselière, est en elle-même une ressource. Mais le rare et minuscule rat des moissons qui suspend son nid aux roseaux en constitue une aussi. C'est la signification et l'intérêt de l'élément considéré qui est à prendre en compte plus que sa dimension.

Une ressource risque parfois d'en cacher une autre. Par exemple une roselière peut étre dans un bras mort qui constitue en lui-méme une ressource, en tant que vestige du fleuve ancien, ou bien dans d'anciens étangs de pisciculture qui témoignent de tout autre chose. Dans la Petite Camargue alsacienne, sur un site de superficie restreinte ces deux cas de roselière se rencontrent.

Le report des données sur cartes est utile lorsque la dimension du site le justifie.
On peut utiliser des couleurs et des symboles différents selon les sujets (flore et végétation, faune, phénomènes géologiques, préhistoire, etc ... ).
La carte (ou mieux même, la superposition de cartes transparentes) peut faire apparaître des groupements intéressants pouvant suggérer des idées d'un thème particulier si vous découvrez des relations entre les divers éléments d'un même groupement.

La même carte portera d'autres indications, telles que les sentiers ouverts au public, les aires de stationnement ou les bâtiments existants de même que les contraintes particulières (secteur devant être maintenu à l'écart de toute fréquentation, etc ... )

3.1.2.1 Faut-il subdiviser le site ?

Diviser le site en plusieurs parties ou "unités" de base peut faciliter l'étude du potentiel d'interprétation et la recherche thématique.

Les interrelations entre les unités seraient en effet recherchées et la thématique du site construite à partir des thèmes définis d'abord au niveau de chaque unité.

Ce peut être le cas, par exemple, si le site est constitué d'unités écologiques et paysagères facilement identifiables tels que dunes, marais, landes ... ou encore s'il comprend des aménagements d'origine humaine correspondants à un projet particulier (par ex. les bâtiments et installations de l'ancienne pisciculture de Huningue, le castrum médiéval de Commarque).

Mais cette façon d'opérer ne peut pas être systématisé.

Elle n'est féconde que si les unités sur laquelle on travaille sont conformes à la notion de "système" au sens donné à ce mot par "l'approche systémique".

Dans de nombreux cas, une telle condition ne peut pas être remplie. Travailler à partir d'unités artificielles ou non pertinentes risque alors d'égarer tout en compliquant la démarche.

3.1.2.2 Sélectionner et hiérarchiser les ressources

Il s'agit maintenant d'établir une hiérarchie entre les ressources, car la capacité d'attention et le temps de visite du grand public étant limité, il est généralement impossible de se référer à la totalité du potentiel. Certaines peuvent n'être mises à profit que que pour des publics ou pour des programmes particuliers).

Sur quels critères peut-on effectuer cette sélection ?

a) L'Intérêt d'une ressource s'apprécie tout d'abord en fonction de l'Importance du phénomène ou de l'événement qu'elle évoque

En bordure de la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne s'élève un talus d'une vingtaine de mètres, peu spectaculaire. Il s'agit pourtant d'une ressource importante car il est est la marque du dernier niveau de creusement de la vallée du Rhin à la fin de l'époque glaciaire. Il renvoie à toute l'histoire du fleuve dont la connaissance est indispensable pour comprendre le site. Le fond de la vallée de la Beune, en Périgord, est comblé par la tourbe sur 17 mètres d'épaisseur. L 'intérét de ce sol ne tient pas à la végétation particulière des tourbières, mais au fait que les analyses des pollens fossiles effectuées à la suite d'un sondage permettent de connaÎtre l'évolution de la végétation sur une séquence de plus de 10000 ans. Or à quelques centaines de mètres du fond de la vallée, se trouve un abri sous roche qui contenait lui. la stratigraphie la plus complète de la préhistoire en Périgord. Ces deux faits, et leur rapprochement. constituent évidemment des ressources de première grandeur pour l'interprétation de cette vallée.

Le caractère exceptionnel d'une ressource est un facteur incontestable d'intérêt, même s'II ne doit évidemment pas constituer le critère exclusif.
Ce caractère peut provenir soit de la rareté de la ressource (une espèce animale, une association végétale, un exemplaire d'architecture rare au niveau régional - ou national. .. ) soit de sa représentativité. (une ferme parfaitement représentative de l'architecture rurale locale, une flore comprenant toutes les espèces présentes dans la région, etc ... ).
Dans les réserves naturelles dotées d'un plan de gestion, l'évaluation de la valeur patrimoniale, si elle a été correctement effectuée, peut aussi servir de base pour le plan d'interprétation.

b) L'Intérêt d'une ressource s'apprécie aussi en la considérant avec les yeux des visiteurs

Deux critères importants nous paraissent devoir être soulignés :

la lisibilité : considérer les ressources avec les yeux du public, c'est d'abord s'interroger sur leur lisibilité (visibilité ou facilité de perception à cause de l'odeur, du bruit...). Lorsque la lisibilité des ressources ou d'une partie des ressources estfaible, certaines techniques d'interprétation, telles que les visites guidées ou les sentiers d'interprétation sont inadaptées.

l'attrait : notion forcément subjective et plus difficile à définir mais en fait agissant fortement sur la motivation des visiteurs. L'attrait peut venir de la qualité esthétique. (Les orchidées intéressent plus le public que de simples graminées), de la valeur symbolique, du caractère insolite ou familier ...

Dans le grand marais de la Petite Camargue Alsacienne paissent des boeufs d'Ecosse (Highland Cattle). Leur présence est intéressante car ils sont là comme moyen de lutte contre l'assèchement du marais en prélevant la biomasse végétale qui tend à le combler. Ils renvoient à un problème très important pour cette réserve naturelle. Mais ces boeufs sont aussi des animaux sympathiques et d'un aspect insolite. Une bonne ressource pour l'interprétation par conséquent.

Cela ne siginifie pas que l'on doive interpréter seulement les ressources attractives mais l'on peut s'en servir comme "points d'appui privilégiés ".

c) Limites des méthodologies faisant Intervenir les données quantitatives

Dans les espaces naturels protégés d'Amérique du nord, on a recours parfois à des matrices à données quantitatives pour l'analyse et la sélection des ressources d'interprétation faisant intervenir un grand nombre de critères, chiffrés et affectés de coefficients de pondération. (1)

A notre avis, la fiabilité de ces modèles est inversement proportionnelle à leur sophistication.

Quand on additionne des données de nature tout à fait différentes, les résultats obtenus n'ont pas grande signification.

Dans la plupart des cas les inconvénients de l'usage de ces matrices (lourdeur, rigidité) l'emporteront largement sur l'aide qu'elles peuvent apporter (même en Amérique du Nord leur usage reste exceptionnel).

Le principal intérêt des évaluations chiffrées est à notre avis d'obliger les auteurs du plan à considérer de plus près certaines données (par exemple la lisibilité ou l'attractivité des ressources pour le public). Mais il faut en user avec économie, à partir de trois ou quatre critères simples et sans illusion sur l'utilité des résultats obtenus sur la base d'opérations arithmétiques.

Analyse du potentiel

Exemple de grille simple utilisable pour les espaces naturels


Dans la plupart des cas, les ressources peuvent être simplement hiérarchisées, sur la base d'appréciation non chiffrées, en deux ou trois niveaux d'intérêt qui, lorsque l'importance du potentielle justifie, peuvent être qualifiés de régional, national et international.

Ainsi les différents milieux naturels de la Petite Camargue Alsacienne sontd'intérêt régional alors que les installations de l'ancienne pisciculture de Huningue qui s'y trouvent inclus présentent un intérét de niveau international (en raison de leur signification dans l'histoire des biotechnologies).