7.1 - Les plans d'interprétation de niveau régional

Le concept même de plan d'interprétation implique concertation et cohérence, évolution et continuité.

mise à jour: 01/01/1992


La présente note a pour objet de préciser quelque peu ces différences, en reprenant tour à tour les différentes phases de l'étude.

Les objectifs

L'étude du potentiel

Les visiteurs

La thématique du territoire

Proposition de stratégie

7.1.1 Les objectifs

Certains des objectifs potentiels ne diffèrent pas de ceux mentionnés dans la 1 ère partie au sujet des plans de site : agrément et enrichissement culturel des visiteurs, recherche de leur soutien pour des mesures de protection et de mise en valeur du patrimoine, meilleure gestion de la fréquentation touristique ...

Mais les plans d'interprétation de niveau régional peuvent aussi permettre d'atteindre d'autres objectifs :

- assurer une meilleure utilisation des crédits publics, en donnant un cadre cohérent pour les initiatives publiques ou privées. Il s'agit d'éviter en particulier le "saupoudrage" des subventions et les projets faisant double emploi.
- permettre une implication de la population en s'appuyant sur les sentiments de fierté et d'attachement au patrimoine local.
- concourir au développement local par la création d'activités nouvelles et de revenus d'appoint, ce qui suppose l'implication de la population visée ci-dessus.

7.1.2 L'étude du potentiel

1) Analyse des connaissances existantes sur le territoire

Une liste de sujets pertinents pour le territoire sera définie comme en 3.1.
Dans le cas de plans de niveau régional, certaines rubriques prennent généralement une importance particulière telles que : mode d'exploitation du sol hier et aujourd'hui - habitat et architecture vernaculaire - voies et moyens de transport et de communication - coutumes et traditions, etc ...

2) Analyse de l'existant

Il est rare aujourd'hui qu'un territoire d'une certaine étendue soit vierge de toute réalisation ou animation de type "interprétatif".

Il convient de commencer par les recenser et par les évaluer, même si leur qualité et leur efficacité laissent à désirer. Améliorer ce qui existe est souvent plus réaliste que créer ex nihilo.

La motivation de leurs promoteurs, leur ouverture d'esprit et leurs aptitudes au partenariat sont des critères très importants dans cette phase d'études préliminaires.

Les réalisations, équipements ou activités existantes seront reportés sur la même carte que les ressources (ou sur un jeu de cartes permettant la superposition).

Enfin, il convient de connaitre aussi les éléments existants non localisables, telles que la documentation touristique diffusée, les brochures thématiques, etc ...

3) Analyse des sites potentiels

L'analyse s'effectue en effet au niveau des sites entendus au sens large (il peut s'agir de monuments ou de bâtiments ayant une histoire particulière, de villages, de sites géologiques, de secteurs avec des caractères écologiques bien affirmés ou marqués par des activités spécifiques .. ).

Une liste est dressée par sujets comportant, pour chaque site, un commentaire relatif à leur lisibilité, à leur attractivité (en particulier du point de vue paysager) et à leur commodité (du point de vue de l'accès et de leur aménagement pour l'accueil).

Le report sur carte est, bien entendu, indispensable.

En croisant ces trois considérations majeures, les sites présentant les aptitudes optimales pourront être sélectionnés.

Dans le cas de la petite région Causse / Gorges du Tarn et de la Jonte, le Parc National des Cévennes a procédé à un inventaire détaillé et systématique du patrimoine en utilisant une méthode d'évaluation quantitative importée du Québec.

Par sujet (géologie, préhistoire, architecture etc .. ) les points d'intéréts ont été reportés sur carte, et une fiche ouverte pour chacun d'eux. Une triple note leur est attribuée en considérant leur intéret du point de vue scientifique, pédagogique (lisibilité en particulier) et esthétique. Puis les sites sont répartis en 3 niveaux d'intérfJt (majeur, bon, faible), en fonction de la totalisation des notes.

Cet inventaire systématique (et surtout sa traduction cartographique) a l'avantage de faire apparaître éventuellement des groupements ou des distributions séquentielles (dolmens le long d'une ancienne voie par exemple) débordant les limites de ce que l'on appelle habituellement «un site». Quant à l'usage des notations chiffrées, il rencontre les limites déjà exposées en 3.1.2.2.

7.1.3 Les visiteurs

1) L'Identification des publics-cible

Les paramètres à prendre en compte dans l'analyse de la fréquentation au niveau régional sont à peu près les mêmes que ceux déjà notés dans la 1 ère partie à propos de l'étude des plans de site: origine - structure des publics - diagrammes saisonniers et hebdomadaires des temps de présence - motivation - caractéristiques culturelles. Il convient cependant de ne pas en rester à la considération de "moyennes" au niveau de la région, mais d'affiner l'analyse pour les principaux secteurs et sites.

D'autre part, deux des paramètres prennent une importance particulière :

La durée et/ou la fréquence des séjours d'une part, la motivation d'autre part :

LA DUREE ET/OU LA FREQUENCE DES SEJOURS

La durée peut être très variable. Dans le cas du territoire étudié elle va de 1 à 2 journées jusqu'à la quinzaine.

La fréquence des séjours est souvent fonction de la proximité de grandes zones urbaines.

Durée et/ou fréquence des séjours sont des paramètres d'une importance considérable.

En effet les possibilités du public et ses attentes en matière d'interprétation ne sont pas les mêmes selon les cas.

Cela implique donc des propositions d'échelle et de niveaux différents.

LA MOTIVATION

Par exemple, certains peuvent venir pour pratiquer une activité sportive bien définie (canoë-kayack - escalade - cheval - cyclisme tout terrain) - D'autres simplement pour voir les points de vue et sites les plus connus. D'autres enfin sont des "contemplatifs" fuyant la foule et recherchant au contraire la solitude et des grands espaces.

Les différences de ,ce point de vue sont généralement plus marquées que dans le cas des,sites ponctuels. Ce critère détermine des groupes de' public très différents.
Les motivations ne sont pas' des données immuables. Certaines motivations potentielles peuvent être encouragées par des propositions appropriées.

En croisant les différents paramètres et plus particulièrement les deux derniers, il est possible de parvenir à la définition de quelques "publics-cibles", c'est à dire de catégories de visiteurs au profil relativement bien différencié.

2) Le schéma de la fréquentation

En plus, des données permettant l'identification des publics cibles ; il faut étudier celles des flux de circulation et les lieux les plus fréquentés.

Ces données seront reportées sur une carte de synthèse faisant apparaître l'importance relative de la circulation sur les différents axes. routiers, la fréquentation des principaux sites et points de passage obligés, la capacité d'hébergement des lieux de séjour principaux ...

Ces indications SOAt de la première importance.

L'expérience a montré en, effet que. les équipements, dispositifs ou activités d'interprétation ne génèrent pas généralement par eux mêmes une fréquentation conséquente.

Leur succès est donc largement tributaire de leur localisation. Ils doivent d'autre part être dimensionnés en fonction d'estimations établies à partir du schéma de fréquentation connu ou de son évolution probable.

7.1.4 La thématique du territoire

La recherche et la formulation d'une thématique au niveau d'un territoire ne diffère pas fondamentalement de celle présentée en 5.1 pour un site particulier.

On trouvera en annexe le canevas thématique proposé par le plan d'interprétation pour le Causse Méjean et les Gorges du Tarn et de la Jonte.

Sur un vaste territoire, le découpage en "unités d'interprétation" peut présenter plus d'avantages pratiques au stade de l'étude que dans le cas d'un site d'étendue limitée (cf. 3.1).

Cependant, ce n'est pas toujours le cas. Cette démarche en particulier n'aurait pas été pertinente dans le cas considérée, car en dépit des contrastes apparents entre Causse et Gorges, l'imbrication des deux au niveau historique, économique, et même écologique, est très forte.

Le thème devait donc être recherché au niveau de l'ensemble.

7.1.5 Proposition de stratégie

Cette stratégie comporte une dimension spatiale (en particulier par la proposition de sites préférentiels), une dimension promotionnelle et une dimension plus politique ou relationnelle (concernant en particulier les modalités d'étude et de mise en oeuvre du plan).

1) Du point de vue spatial

Le choix des sites et autres actions localisées

Fonction, comme nous l'avons vu du potentiel des sites, de leur localisation et de considérations relatives à leur fragilité où à leur commodité d'aménagement. Sur ce dernier point, notons qu'un site peut éventuellement être choisi pour en soulager un autre (tactique de la diversion ou, comme disent les anglophones, du "pot de miel").
Les réalisations et les activités existantes sont aussi en prendre en compte (musées, sentiers d'interprétation, points de vue aménagés ...).

En rapprochant leur relevé cartographique de celui des meilleurs sites potentiels, d'intéressantes constatations pourront être faites quant aux lacunes thématiques et à l'inadaptation de certaines localisations.

Un plan de niveau régional ne rentre pas dans les détails. Il laisse ce soin à des plans de site à venir. Cependant, il contient une série de préconisations (dont la précision peut être plus ou moins grande) portant sur les vérifications supplémentaires éventuelles, l'échelle des propositions (nombre de visiteurs/an attendus, conception matérielle, contenu thématique ... ), le type de réalisations ou d'activités proposées (maisons à thème, musées de site, circuits d'interprétation, visites guidées, etc ... ) et des indications sur leur conception.

A côté des propositions concernant des sites particuliers, le plan peut comporter:

Des opérations plus séquentielles

- itinéraires pour automobilistes interprétés par panneaux in situ/ par livrets-guide ou par cassettes pour auto-radio
- itinéraires pourcyclotouristes et/ou pratiquants du V.T.T., cavaliers, skieurs, pratiquants du canoë et bien entendu randonneurs ...

Des propositions d'animation

Liées ou non à un site, telles que manifestations, événements, spectacles, se greffant ou non sur des fêtes locales traditionnelles.

Des actions de formation

Par exemple formation de guides locaux pour faciliter l'assimilation de la thématique de la région et la maîtrise de la communication orale.
D'excellents résultats peuvent être atteints de cette façon.

Des portes d'entrées ? Un centre ?

Les fonctions pouvant être remplies par des "portes d'entrée" et par une "maison" centrale du type "visitor centre", sont a peu près les mêmes que celles notées en 6.1, mais avec une dimension stratégique plus importante. Elles peuvent constituer en effet des points d'appui important pour faire jouer à plein l'effet de synergie - étudié ci-après au point 2 -. Cette question est donc à la charnière des considérations spatiales et des préoccupations promotionnelles.
Une "porte d'entrée" ne peut bien remplir sa fonction que si elle est précisément située à un point de passage obligé, avec des possibilités suffisantes de stationnement.

Une structure centrale d'accueil peut jouer un rôle irremplaçable comme "poste d'aiguillage".
Mais l'expérience des maisons de Parcs en France comme celle des grands "visitor centre" à l'étranger montrent que leur viabilité est soumise à la réalisation de conditions précises et contraignantes.
Pour remplir leur fonction et dégager les ressources d'autofinancement assurant au minimum leur "petit équilibre", elles doivent pouvoir satisfaire des objectifs de fréquentation élevés (généralement supérieurs à 100.000 visiteurs/an). A moins de bénéficier d'une localisation exceptionnellement favorable ("public captif" par exemple), cela n'est possible qu'à partir d'une certaine "masse critique" - au niveau des attractions et des prestations de service, ce qui suppose des investissements et des frais d'exploitation élevés. (1)

2) Du point de vue promotionnel

Cette dimension prend en compte les effets de synergie, qui jouent un rôle important au niveau d'un vaste territoire. C'est, mutatis mutandis, comme en matière commerciale - (effets de collection, valeur commerciale d'un quartier ayant une large diversité de commerce ... ). Le rendement de l'ensemble est largement supérieur à ce que peut être la somme des rendements de chaque réalisation ou animation isolées.
L'information sur l'ensemble des possibilités offertes et leur promotion conjointe sont des conditions essentielles pour que l'effet de synergie puisse jouer en mettant l'accent sur leur complémentarité thématique et par rapport aux attentes et besoins des divers publics.
La référence au thème central ou fil conducteur est une condition également déterminante.

Les moyens utilisables sont multiples : diffusion d'un dépliant officiel aux principaux accès ou dans les locaux visités, les plus fréquentés par les visiteurs, mini expositions dans les mêmes locaux, radios locales, journaux locaux, cassettes vidéo dans les hôtels, camping ... et bien sûr la "réciprocité" entre les réalisations (chacune évoque l'existence des autres ou d'une partie des autres ... ) (1).

3) Du point de vue relationnel et politique

Une telle dimension existe aussi, bien entendu, pour l'interprétation de nombreux sites, mais elle se trouve fortement accentuée au niveau d'un territoire peuplé, dont la gestion dépend de nombreux acteurs politiques, administratifs et socio-professionnels. C'est pourquoi, elle mérite ici un développement particulier.

L'implication de ces acteurs, dans le projet, à des degrés divers, est une condition sine qua non de sa réussite. Plus tôt elle interviendra et mieux cela vaudra.
Elle doit donc être recherchée dès le stade de l'étude.

Une étude de plan d'interprétation bien menée peut offrir d'ailleurs une occasion exceptionnelle de mobiliser ou de remobiliser des dynamismes au niveau local, car elle joue, comme nous l'avons déjà noté, sur un ressort potentiellement puissant, la fierté de ses racines et la satisfaction procurée par la révélation de son pays à des  étrangers.

Nous aurions du, en bonne logique, aborder les modalités de l'étude en début de ce chapitre, mais comme elles ne sont pas sans rapport avec les modalités de mise en oeuvre, elles seront évoquées ici par commodité.

Au stade de l'étude, le lien avec le milieu local peut être établi à plusieurs niveaux :

- celui de personnes-ressources qui seront Interviewées ou associées aux recherches pendant la phase d'analyse et de sélection du potentiel
- celui d'un groupe de pilotage "technique" - formel ou informel - composé de personnes-clés intéressées par le projet (responsables d'associations, professionnels ou techniciens)
- celui d'un groupe de pilotage ccpolitique» composé des principaux élus et administrateurs concernés qui sera tenu informé de la mise en route et de l'avancement de l'étude et auquel le projet sera soumis pour aporobation.

Cet ancrage est d'autant plus nécessaire que la mise en oeuvre des propositions du plan ne relevera pas d'un seul maître d'ouvrage, mais presque toujours, d'une diversité d'acteurs privés ou publics, ce qui rendra nécessaire l'exercice d'une coordination. Les modalités d'une telle coordination ne peuvent être réglées qu'à un niveau politique, tout comme les modalités de financement des actions qui requièront le plus souvent le concours de plusieurs bailleurs de fond.

Au stade de la mise en oeuvre et du suivi

Une question-clé se trouve posée.

Le territoire est-il ou non organisé ?
Une autorité publique ayant légitimité et compétence pour assurer le suivi de la mise en oeuvre et éventuellement les arbitrages existe-t-elle ?

C'est le cas par exemple, avec les Parcs Naturels Régionaux, dont la vocation et la composition correspondent en général parfaitement à une telle mission à la charnière du développement touristique et des préoccupations environnementales.

D'autres formules peuvent convenir :

Sivom ou Syndicat mixte de "pays"
Association ou Fondation mandatées par les collectivités territoriales.

Le concept même de plan d'interprétation implique concertation et cohérence, évolution et continuité.

L'existence d'un niveau de réalisation et de coordination bien identifié ne peut que faciliter la mise en oeuvre du plan.

Il doit être à même de procéder périodiquement (tous les 5 ans par exemple) à une évaluation des résultats obtenus et d'opérer les changements qui s'avèreraient nécessaires.